Dernières cartouches by Battisti Cesare

Dernières cartouches by Battisti Cesare

Auteur:Battisti, Cesare [Cesare, Battisti]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Rivage/Noir
Publié: 2014-04-06T16:00:00+00:00


Personne, et surtout pas les journalistes, ne parut étonné que le directeur de la prison de Bologne connaisse une telle fin. Ce fut donc par le biais d’une fausse manœuvre que nous recueillîmes un consensus populaire inespéré. Il y avait de quoi fouetter les esprits belliqueux d’une jeune bande armée comme la nôtre.

Les jours suivants furent marqués par une activité fébrile. Il fallait gérer les conséquences de la dernière opération pour nous imposer définitivement comme l’avant-garde d’une Autonomie très dispersée. Des mots d’ordre comme « nous ne sommes pas un parti, mais une expérience armée, nous sommes une organisation, mais une organisation horizontale, nous ne voulons pas conquérir le pouvoir, mais ouvrir des espaces de contre-pouvoir » trouvèrent un écho positif auprès de tous les chiens errants qui mouraient d’envie de répondre à l’oppression de l’État, mais récusaient à l’avance les généraux révolutionnaires.

Ce que j’avais pris pour une « grande bande » à mon arrivée à Milan avait gagné après seulement quelques semaines un véritable statut d’organisation. Les journaux en parlaient, dans les quartiers populaires et les usines, on échangeait des clins d’œil, et quelques groupes isolés utilisaient indûment notre sigle pour passer à l’action.

Étant le seul à ne pas avoir d’emploi fixe, la tâche de me rendre d’une ville à l’autre pour satisfaire les nombreuses demandes de rencontres ou « d’engagement » me revenait souvent. Ces premières réunions se révélèrent à la fois pénibles et révélatrices. Je faisais la connaissance de camarades extrêmement cultivés, hommes et femmes de tous âges, hétéros, homos, bis, transsexuels, certains possédant déjà une expérience dans la lutte armée. Des gens qui avaient tant étudié qu’ils auraient convaincu leur propre mère de ne pas venir au monde. Mais ils étaient las des discussions, et trouvaient sans doute quelque élément concret dans mes phrases boiteuses, l’usage impropre des auxiliaires, les citations sans queue ni tête, l’amour sans Freud et la confusion qui m’envahissait à chacune de mes gaffes. Souvent, à l’occasion d’une fête ou d’une réunion, je m’écartais un instant pour observer leurs gestes délicats, leurs paroles aimables, leurs rires bien éduqués. Ils ne semblaient pas avoir besoin d’autre chose pour vivre, et pourtant ils n’auraient pas hésité un instant à mettre leur vie en jeu pour un résultat dont ils n’auraient jamais profité. Ce fut alors que j’appris à les aimer. Il ne me restait plus qu’à les mériter.

Durant cette période, je délaissais de plus en plus l’appartement de Stefano. J’évitais ainsi d’éventuels tête-à-tête avec Alessandra, qui depuis quelque temps manifestait un peu trop d’intérêt à mon égard. Pour ce qui concernait le logement, j’avais désormais le choix. Toutes mes affaires tenaient dans un sac de voyage et les compagnes de Milan, en équilibristes habiles, faisaient la part entre la fascination du guérillero et les exigences féministes. À part Max, avec lequel je partageais la quasi-totalité de mes déplacements extrarégionaux, je fréquentais régulièrement le Chat et le Renard. Je ne croisais Stefano que pendant les conseils de guerre du groupe, qui se concluaient généralement par



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